Le rôle de la technologie dans le renforcement des réseaux diasporiques
FOTEINI KALANTZI | 23 JUIN 2021 | ROUTED Nº15 | TRADUIT DE L’ANGLAIS
Photo de la NASA sur Unsplash.
À l’époque actuelle, l’examen de l’interrelation entre patrie et diaspora doit inclure trois aspects importants. Le premier est que les diasporas ne peuvent être vues qu’à travers un prisme transnational, affecté par une multitude d’objectifs, d’acteurs et d’agendas, avec la capacité d’affecter les développements économiques et politiques dans la patrie. Deuxièmement, l’expansion rapide des innovations technologiques et l’utilisation généralisée d’une variété de plates-formes, en particulier à l’ère des pandémies, ont bouleversé les modèles de communication humaine et les synergies sociétales. Troisièmement, les réseaux entre les diasporas, ainsi que les réseaux entre la patrie et la diaspora, suivent des schémas interactifs différents de ceux des époques précédentes, ce qui peut être associé, dans une large mesure, à la numérisation des interactions humaines.
Selon la littérature universitaire, les diasporas ont la capacité d’influencer le pays d’origine de manière négative, par exemple par des revendications conflictuelles et la radicalisation de certains groupes, ou de manière positive en participant à des activités de collecte de fonds, des causes humanitaires et des investissements commerciaux. Il est certain que les technologies de l’information ont remodelé la manière dont ces interactions se déroulent. Le caractère flexible de l’internet contribue à la formation, à la configuration et à la diffusion de programmes, d’objectifs, d’idées et de réseaux. Grâce à l’utilisation des technologies de l’information, les diasporas ont la capacité d’influencer les changements politiques facilement et rapidement, de montrer leur solidarité par le biais du lobbying et de renforcer les liens sociaux, les réseaux professionnels et les relations. Par exemple, plusieurs initiatives d’entrepreneurs grecs de la diaspora ont demandé la facilitation du droit de vote des citoyens grecs depuis leur lieu de résidence. Des campagnes ont été lancées sur Internet, dans des forums et par le biais d’initiatives sur les médias sociaux. Après la loi de 2019 qui a été adoptée par une écrasante majorité de parlementaires pour permettre aux diasporas grecques de voter depuis l’étranger, le gouvernement a mis en place une plateforme d’inscription. Grâce à cette plateforme particulière, les électeurs grecs à l’étranger peuvent désormais s’inscrire sur les listes électorales spéciales en soumettant tous les documents requis en ligne.
Ces nouveaux modes de communication entre le pays d’origine et la diaspora ont créé un cadre d’examen différent pour les chercheurs en matière de migration et de diaspora. Si l’on prend comme exemple le projet sur la diaspora grecque du South East European Studies de l’université d’Oxford (SEESOX), on se rend compte qu’il est nécessaire de développer des outils technologiques répondant aux exigences de l’époque actuelle, tels que la carte numérique de la diaspora grecque.
L’objectif de cet outil est de promouvoir l’interaction entre la Grèce et sa diaspora, mais aussi au sein de la diaspora grecque elle-même. La carte constitue un outil convivial, grâce auquel les gens peuvent accéder aux riches informations sur les différentes organisations de la diaspora et les filtrer en fonction du pays où elles se trouvent, de leur profil d’activité, mais aussi de leur lien avec une origine géographique spécifique en Grèce. Les avantages essentiels de la technologie dans la facilitation et l’analyse des réseaux diasporiques sont doubles : premièrement, cet outil peut servir non seulement de registre de la présence grecque dans le monde, mais aussi de plate-forme de communication pour l’hellénisme mondial ; deuxièmement, il peut contenir non seulement des organisations qui existent traditionnellement physiquement, mais aussi des organisations nouvellement créées avec seulement une présence numérique - une tendance croissante. Les avantages de l’utilisation de la carte numérique sont multiples et peuvent être placés dans le cadre plus large de l’engagement indispensable de la diaspora envers la patrie, notamment en raison de la crise économique et de l’évolution des demandes/souhaits de la diaspora envers la Grèce.
Les diasporas grecques des générations plus anciennes participent aux communautés de la diaspora, par exemple aux associations culturelles ou professionnelles, à celles liées à l’Église orthodoxe grecque ou aux associations basées sur les origines régionales (c’est-à-dire les personnes originaires du Péloponnèse, de la Crète, etc.). Ce sont les moyens traditionnels de rester en contact avec leur identité et leurs traditions nationales et culturelles.
Les générations plus récentes (les Grecs de deuxième, troisième ou quatrième génération ou ceux qui ont émigré lors de la grande vague récente provoquée par la crise économique de 2008) choisissent également de se connecter par le biais de communautés en ligne. La technologie peut être un support indispensable à l’interaction entre les communautés de l’hellénisme dispersé. Elle peut rassembler les diasporas autour d’une cause spécifique (par exemple, le financement des écoles grecques à l’étranger) dans un forum en ligne, ou les aider à se mobiliser à des fins économiques, philanthropiques ou politiques dans leur pays d’origine. En particulier pendant la pandémie, de nombreux exemples démontrent l’engagement des diasporas facilité par les technologies de l’information. Par exemple, un soutien technique et psychologique a été proposé en ligne, ainsi que des campagnes de collecte de fonds via des plateformes (par exemple, l’une des campagnes de la diaspora grecque a été lancée par l'intermédiaire du « Fonds d’intervention d’urgence COVID-19 de l’Initiative hellénique »).
La technologie a progressivement nourri les réseaux diasporiques. En particulier pendant cette crise pandémique sans précédent, elle a aidé les émigrants récents et les diasporas à rester en contact avec leurs proches, à conserver des liens sociaux avec leur patrie et des liens psychologiques avec leur identité. En fait, l’impact de la technologie depuis le déclenchement de la pandémie a permis d’éradiquer davantage les frontières et a contribué à la création de nouveaux groupes de diasporas, qui ont offert soutien, connectivité et informations précieuses aux communautés dans le besoin.
Foteini Kalantzi
Dr. Foteini Kalantzi est chercheuse A.G. Leventis au South East European Studies (SEESOX), au St Antony’s College, à l’Université d’Oxford. Ses travaux portent sur les migrations, la politique des diasporas, les frontières européennes et les affaires politiques grecques.
Cet article appartient au numéro «Renforcer les capacités des diasporas mondiales dans l'ère numérique», une collaboration entre Routed Magazine et iDiaspora. Les opinions exprimées dans la présente publication sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement les positions de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) ou de Routed Magazine.